1763-02-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Il est bon quelquefois que des anges s'égayent.
L'accompagnement de l'hymne à m. de Pompignan est fort bon, et le refrain quand on est dix ou douze, est très plaisant à chanter. Pour les éclaircissements historiques ils sont du plus grand sérieux. Pour Adélaïde elle est détestable, vous dis je; cette blessure de l'amoureux qui n'est nécessaire ni à l'intrigue, ni au dénouement est pitoyable. Un Vendôme qui veut assassiner son frère, est une horreur dégoûtante.

Pour Zulime, je crois qu'il ne la faut pas donner seule, mais attendre qu'on puisse imprimer deux ou trois pièces à la fois. Si je pouvais fortifier un peu le rôle de ce benêt de Ramire, je crois que je ne ferais point mal. Pour Mariamne, je la trouve assez bien, je crois qu'elle fera effet, je crois qu'on pourra l'imprimer avec le droit du seigneur. Pour Olimpie, qu'on appelle Oh l'impie! et qui cependant est très pie, je dirai comme m. de Pompignan:

De moi je suis assez content; allons, saute marquis!

Corneille va son train; ah! le pauvre homme! qu'il me fait trouver Racine divin!

Eh! mes anges ne me parlent point de la pièce de Dupuis et de Desronais, et pas un mot du discours de l'abbé de Voisenon; et m. le premier président de la Marche ne m'envoie point ma pancarte nécessaire; et made Denis est toujours malade; et mes petits mariés s'aiment encore à la folie, quoiqu'au bout de huit jours. Mes anges! il y a tantôt soixante ans que j'ai commencé à aimer l'un de vous deux, et je suis toujours à tous deux avec respect et tendresse.

Mais dites donc comment vont vos yeux? Je perds les miens, et je deviens sourd comme un pot.

V.