à Ferney 13e auguste 1768
Monsieur,
Sans doute je suis Corse, et je croiais mes compatriotes arrangés avec M: Le Duc De Choiseul.
Ce n'est pas assez d'aimer la Liberté, il faut encor bien faire ses marchés. Je me flatte qu'on en fera de bons à Versoy; mais je suis fâché que ce maraut de Joseph que vous avez renvoié très à propos se soit avisé de voler sur le grand chemin. On dit que ce misérable, dont la vie ne valait pas deux écus, m'en coûtera plus de mille pour être roué, attendu qu'il était domicilié dans mon village.
Tous les Marbœuf ne sont pas aux prises avec les Corses, il y a un Marbœuf qui a écrit au Roi pour lui demander made Adélaïde en mariage. Comme la réponse du Roi tardait et qu'il était pressé, il est venu à Versailles, et est allé droit chez sa femme. Il a voulu user de ses droits matrimoniaux, on l'a envoié au châtau de Ham prendre des bouillons rafraichissants.
Cependant, comme le sr De Pompignan, Evêque du Puy, devait faire l'oraison funêbre de la mère de made Adélaide, et comme on disait qu'il ferait fort chaud, l'abbé de Voisenon a répondu, qu'on aurait la fraicheur du Puy.
Voilà, Monsieur, mes nouvelles qui me paraissent un peu plus plaisantes ques les vôtres. Si jamais vous vous arrachez du délicieux séjour de Versoi, je vous demande en grâce de prendre ma chaumière pour auberge, et moi pour le serviteur le plus respectueux et le plus attaché que vous aiez dans ce séjour sauvage.
V.