16^e fév: 1770

Ne l'avais-je pas toujours bien dit, Monsieur, que vous êtes le plus aimable homme du monde?
Je vois plus que jamais la bonté de vôtre cœur; le mien vous remercie bien tendrement.

Il se peut très bien faire qu'il y ait quelques Lettres de mon ami Wagniere entre les mains des assassins. Mais je ne crois pas qu'il y en ait de moi. Je me souviens très bien que lorsque vous arrivâtes dans le séjour de la discorde, et quelques mois après, les natifs s'adressèrent à moi, et que je les renvoiai à vous comme de raison.

Lorsqu'on parla de bâtir Versoy, dix huit natifs vinrent m'aporter leurs signatures, et s'engagèrent à y bâtir des maisons. J'envoiai leurs propositions à M: Le Duc De Choiseul et je leur dis de s'adresser à vous uniquement.

Voilà la seule correspondance que j'ai eu avec eux.

Auziere d'ailleurs est un philosophe qui a une petite bibliothèque composée de livres suspects, hérétiques, sentant l'hérésie, remplis de propositions mal sonnantes, et offensant les oreilles chastes. Il sera sans doute brûlé comme Servet avec ses livres.

Sérieusement, je crains pour cet homme. Comme il est le premier qui ait voulu se retirer à Versoy, il mérite la protection de M^r Le Duc De Choiseul. Je suis persuadé qu'il trouvera très bon que vous le favorisiez autant qu'il poura être en vous, sans vous compromettre.

J'ai vu Geneve pendant quatre ou cinq ans une ville très agréable. Les choses sont bien changées. Je ne crois pas que rien doive vous empêcher de causer avec Mad^e Denis qui vous fait les plus tendres compliments.

En vous remerciant mille fois.