4e Janv: 1764
Monsieur,
Vous avez écrit trois Lettres à mr De Voltaire signées Ladouz à l'hôtel des Asturies rue du Sepulchre. Vous lui dites dans ces trois lettres que vous avez été sécrétaire du célèbre mr Lefranc de Pompignan, que vous n'avez plus le bonheur d'être à lui, et qu'il vous a renvoié parce qu'il vous soupçonnait d'avoir fourni à mr De Voltaire des mémoires contre lui.
Vous demandiez à Mr De Voltaire une attestation qui détruisit cette calomnie, il vous répondit qu'il ne vous connaissait pas, que vous ne le connaissiez pas, et qu'on ne lui avais jamais envoié d'autres mémoires contre mr Lefranc de Pompignan que ses propres ouvrages. Il me charge, étant vieux, malade, et prèsque aveugle, de vous répéter la même chose de sa part.
Voicy tout ce qu'il connait de mr Lefranc de Pompignan.
1. D'assez mauvais vers.
2. Son discoursà L'académie dans lequel il insulte tous les gens de Lettres.
3. Un mémoire au Roi dans lequel il dit à S: M: qu'il a une belle bibliothèque à Pompignan lez-Montauban.
4. La description d'une belle fête qu'il donna dans Pompignan, de la procession dans laquelle il marchait auderrière d'un jeune jésuite, accompagné des bourdons du païs, et d'un grand repas de 26 couverts dont il a été parlé dans toute la province.
5. Un beau sermon de sa composition, dans lequel il dit qu'il est avec les étoiles dans le firmament, tandis que les prédicateurs de Paris, et tous les gens de Lettres, sont à ses pieds dans la fange.
Mon maître a apris aussi que mr Lefranc de Pompignan se comparait à Moÿse (quoi qu'il soit noyé) et que Mr son frère l'Evêque était Aaron; il leur en fait ses compliments.
Il a entendu parler aussi d'une pastorale de mrs L'Evêque, adressée aux habitans du Puy en Vélai par Monseigneur Cortiat secrétaire. On lui a mandé que dans cette pastorale il est question d'Aristophane, de Diagoras, du Dictionnaire Enciclopédique, de Fontenelle, de La Mothe, de Perrault, de Terrasson, de Boindin, du chancelier Bacon, de Descartes, de Malebranche, de Loke, de Neuton, de Leibnitz etca, eta.
Nous félicitons messieurs Dupuy en Vélai d'avoir lu les ouvrages de tous ces messieurs. Tel pasteur, telles brebis. Mais mon maître n'entre dans aucune de ces querelles scientifiques. Il cultive la terre avec bien de la peine, et laisse les grands hommes éclairer leur siècle.
Vous lui mandez que mr l'Evêque d'Alais veut vous prendre pour secrétaire, en cas que vous aiez une attestation en bonne forme que vous n'avez point trahi les secrets de mr Lefranc de Pompignan. Il vous envoie cette attestation, et il se flatte que quand vous serez avec Mr D'Alais vous ne ressemblerez pas à Mr Cortiat secrétaire.
P. S. Je vous demande pardon Mr. J'oubliais dans les ouvrages de M. Lefranc de Pompignan la prière du Deïste qu'il a traduit de l'anglais.