30e xbre 1763
Je mets sous les quatre ailes de mes anges, ma réponse à notre ami Lekain, et aux comédiens ordinaires du roi.
Je les supplie de donner au féal le Kain ces deux paperasses. Si je croyais que mes anges les conjurés eussent le dessein de faire passer Olimpie avant les roués j'y travaillerais sur le champ, quoique je ne sois guère en train. C'est à mes conjurés à me conduire, et à me dire ce qu'il faut faire. Je ne suis que l'instrument de leur conspiration, c'est à eux de me manier comme ils voudront.
Je fais toujours des contes de ma mère l'oie, en attendant leurs ordres. Il y a je crois une sottise dans le récit en petits vers de Téone la gaillarde:
Les dieux seuls purent comparaîtreA cet hymen précipité;
Il faut
Les dieux seuls daignèrent paraître,
car les dieux ne comparaissent pas. Je vous supplie donc de corriger cette sottise, de votre aimable main blanche. Vous m'allez demander pourquoi étant lynx sur les fautes de mes contes à dormir debout, je suis taupe sur les défauts des tragédies? Mes anges, c'est qu'une tragédie est plus difficile à rapetasser qu'un conte. Il faut pour une tragédie un extrême recueillement, et j'ai à présent mon curé en tête; il ne ressemble point du tout à l'hiérophante d'Olimpie, qui négligeait le temporel. Mon prêtre me poursuit avec une vivacité tout à fait sacerdotale, et je ne sais trop que répondre au parlement de Dijon. J'ai pris la liberté d'exposer ma doléance en peu de mots, à m. le duc de Praslin.
La Tolérance me tient aussi un peu en échec. Il y a un homme qui travaille à la cour en faveur des huguenots, et qui probablement ne réussira guère. On me fait craindre que la race des dévots ne se déchaîne contre ma tolérance. Heureusement mon nom n'y est pas, et vous savez que j'ai toujours trouvé ridicule qu'on mît son nom à la tête d'un ouvrage; cela n'est bon que pour un mandement d'évêque, par monseigneur, Cortiat, sécrétaire.
On dit que l'archevêque de Paris avait préparé un beau mandement bien chrétien, bien séditieux, bien intolérant, bien absurde, et que le roi lui a fait supprimer sa petite drôlerie. Cela passe pour constant, mais vous vous gardez bien de m'en dire un mot. Vous oubliez toujours que je suis bon citoyen. Vous croyez que je n'habite que le temple d'Ephèse, et la petite île de Rêno auprès de Boulogne, où mes trois maroufles firent leurs proscriptions.
Comment va la gazette littéraire? Il me vient d'Angleterre des paquets énormes, mais qu'en ferai je avec mes pauvres yeux? Je ne sais où j'en suis, Dieu vous donne santé et longue vie!
Respect et tendresse.
V.