aux Delices près de Genêve le 20 janv. 1764
Ce n'est pas un petit renversement du droit divin et humain que la perte d'un conte à dormir debout et d'un 5e acte qui pourrait faire le même effet sur le parterre qui a le malheur d'être debout à Paris.
J'ai écrit à mes anges gardiens une lettre ouverte que j'ai adressée à m. le duc de Praslin; j'adresse aussi mes complaintes douloureuses et respectueuses à m. Jannel, qui étant homme de lettres doit favoriser mon commerce. Je conçois après tout que dans le temps que l'antifinancier causait tant d'alarmes on ait eu aussi quelques inquiétudes sur l'anti-intolérant. Ce dernier ouvrage est pourtant bien honnête, vous l'avez approuvé. Messieurs les ducs de Praslin et de Choiseul lui donnaient leur suffrage, mad. de Pompadour en était satisfaite. Il n'y a donc que le s. évêque Dupuis et ses consorts qui puissent crier. Cependant si les clameurs du fanatisme l'emportent sur la voix de la raison, il n'y a qu'à suspendre pour quelque temps le débit de ce livre qui aurait le crime d'être utile, et en ce cas je supplierais mes anges d'engager frère D'Amilaville à supprimer l'ouvrage pour quelques mois, et à ne le faire débiter qu'avec la plus grande discrétion. Ah si mes anges pouvaient m'envoyer la petite drôlerie de l'hiérophante de Paris, qu'ils me feraient plaisir! Car je suis fou des mandements depuis celui de Jean Georges. Mes anges me répondront peut-être qu'ils ne se soucient point de ces bagatelles épiscopales, qu'ils veulent qu'Olimpie meure au cinquième acte, que c'est là essentiel. Je leur enverrai incessamment des idées et des vers. Mais pourquoi avoir abandonné la conspiration? pourquoi s'en être fait un plaisir si longtemps pour y renoncer? Si vous trouvez les roués passables que ne leur donnez vous la préférence que vous leur aviez destinée? Si vous trouvez les roués insipides il ne faut jamais les donner. Répondez à ce dilemme je vous en défie; au reste votre volonté soit faite en la terre comme au ciel! Je me prosterne au bout de vos ailes.
N. B. J'ai écrit une lettre fort bien raisonnée à m. le duc de Praslin sur les dîmes.
Respect et tendresse.