1764-01-29, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jeanne Grâce Bosc Du Bouchet, comtesse d'Argental.

Mes anges trouveront ici un mémoire qu'ils sont suppliés de vouloir bien donner à m. le duc de Praslin.
On dit qu'ils sont extrêmements contents du nouveau mémoire de Mariette en faveur des Calas. Je crois que leur affaire sera finie avant celle des dîmes de Ferney. Melpomene, Clio et Thalie, c'est à dire les tragédies, l'histoire et les contes, n'empêchent pas qu'on ne songe à ses dîmes, attendu qu'un homme de lettres ne doit pas être un sot qui abandonne ses affaires pour barbouiller des choses inutiles.

Je sais la substance du mandement de votre archevêque, mais je vous avoue que je voudrais bien en avoir le texte sacré. On dit que l'exécuteur des hautes œuvres de messieurs a brûlé la pastorale de monseigneur. Si m. l'exécuteur a lu autant de livres qu'il en a brûlé il doit être un des plus savants hommes du royaume.

Mons. Dupuis en Velay n'a pas les mêmes honneurs, il voudrait bien être lu, dût il être brûlé. L'historiographe des singes aura beau jeu quand il écrira l'histoire du temps.

Je suppose que mes anges ont reçu mes deux derniers mémoires envoyés à m. de Courteilles. Je cours toujours après mon 5e acte, et après mon conte et je vois que les enfers ne rendent rien.

J'ai reçu une lettre de m. de Thibouville. Le Kain m'a écrit aussi, et je suis fâché qu'il soit dans le secret de la conspiration.

Je ne réponds à personne, je n'envoie rien. Mes raisons sont qu'on joue Castor et Pollux, qu'on va jouer Idoménée, qu'on est fou de l'opéra comique, qu'il faut du temps pour tout, et que j'attends les ordres de mes anges, me prosternant sur leurs ailes.