23 juin [1764] aux Delices
Je reçois au départ de la poste, une lettre d'un ange, du 18 juin, et je suis très affligé que l'autre ange soit malade. Répondons vite.
Quant au vers, le danger suit le lâche, et le brave l'évite, si ce vers n'était pas précédé de ceux qui l'expliquent, il serait ridicule; mais pour prévenir tout scrupule, il n'y a qu'à mettre:
Quant à l'affaiblissement qu'on demande de la description du combat de Pompée, c'est vouloir être froid pour vouloir paraître plus vraisemblable. Il y a des occasions où c'est n'avoir pas le sens commun, que de vouloir trop rechercher le sens commun. Je demande très instamment, très vivement qu'on ne change rien à cette scène. Je demande surtout qu'on suive les dernières corrections que j'ai envoyées. Elles me paraissent mieux pour la déclamation, ce qui est un point important. Il ne s'agit pas seulement de faire des vers, il faut en faire qui animent les acteurs.
On se mourait hier de chaud, on se meurt aujourd'hui, on est mort. Les comédiens ont le diable au corps de jouer une pièce nouvelle dans un temps où personne ne peut venir à la comédie.
Quoi! vous n'auriez pas reçu les lettres où je vous parlais des Calas! J'apprends mes divins anges qu'il s'est tenu un conseil où vous avez admis la pauvre veuve. Vos bontés ne se refroidissent point; vous avez un grand avantage sur les autres hommes, c'est que vos vertus sont persévérantes. Vous ne me parlez point de la lettre de Panckoucke et de ma réponse. La chose est pourtant plaisante et mériterait d'être connue.
Je n'ai encore rien d'Italie: les Italiens par ce temps-ci ne font que la méridienne.
Je vous ai envoyé l'éloge d'Algarotti qui figurera bien dans la gazette littéraire. Je vous ai écrit par m. le duc de Praslin, et par m. de Courteilles, celle-ci sera sous l'enveloppe de m. l'abbé Arnaud. Remarquez, s'il vous plaît, que nous nous sommes rencontrés sous le masque de don Pèdre. J'ai confié à m. de Thibouville que je travaillais fortement à ce don Pèdre.
Adieu mes divins anges, rions, mais surtout que mad. Dargental n'ait plus son rhumatisme, il n'y a pas là de quoi rire.