à Ferney 5e avril 1766
Je n'oublierai jamais, Monsieur, le discours de Mr Thomas, mais j'ai oublié sa demeure; et d'ailleurs je ne peux mieux m'adresser qu'à vous pour le remercier.
De tous ceux qui ont fait l'éloge du Dauphin, il est le seul qui m'ait fait connaître ce prince. Je n'ai vu que des mots dans tout ce que j'ai reçu de Paris en prose et en vers sur ce triste évênement. La première chose qu'il faut faire quand on veut écrire, c'est de penser; mr Thomas ne s'exprime éloquemment que parce qu'il pense profondément.
A propos de penseur, puis-je vous supplier, Monsieur, de présenter mes respects à Son Excellence? Elle donne des indigestions à tout Genêve avant de lui donner une paix inaltérable. J'ose me flatter que quand nous aurons des feuilles, et que vous aurez le temps de prendre l'air, vous voudrez bien donner la préférence à l'air de Ferney. Ce n'est pas assez de faire du bien à des hérétiques, il faut encor consoler les vieux catholiques malades. Je compte hardiment sur vos bontés, et sur celles de Mr Hennin.
Daignez, Monsieur, être sans cérémonie avec vôtre très humble et très obéïssant serviteur
V.