à Ferney 21 xb[1765]
J'écris à Monsieur Dargental monsieur, je luy dis que je vous ai remis le mémoire de ses avocats.
Ils n'ont consulté que l'équité. Ils se trompent sur quelques usages de Geneve. Vous accorderez la justice avec les convenances.
Comme je dis à mr Dargental tout ce qui me passe par la tête, je propose que vous soyez nommé médiateur. Je ne trouve rien de plus à sa place. Vous êtes sur les lieux, vous êtes au fait; on a confiance en vous. Vous monterez la machine comme médiateur, vous la ferez ensuitte aller comme résident. Vous serez l'arbitre du petit état où vous êtes ministre, jusqu'à ce qu'on vous donne des emplois plus importants. Je ne vois nulle difficulté à cette nomination. Un résident de France vaut bien un ministre de Berne. Vous croiez bien qu'en écrivant dans cette vue à mr Dargental je suis loin de vous compromettre; que je donne cette idée comme une de mes imaginations que notre ancienne amitié, me met en droit de luy confier. Enfin c'est une niche que je vous ay faitte, et dont je dois vous avertir, afin que vous puissiez parer les coups que je vous porte, s'il vous en prend envie.
Si quelque jour vous faites l'honneur au vieux solitaire de venir dîner dans sa retraitte je vous promets moins de monde. Vous verrez des cœurs français aussi enchantez de vous pour le moins que les cœurs génevois, et beaucoup plus sensibles.
Mille respects.
V.