25 Xbre [1751]
Ce n'est pas de Rome sauvée ny de Louis 14 dont il s'agit icy mon cher ange.
Voicy un petit mémoire que je vous supplie de donner et de recommander très fortement à Monsieur de Courteil votre amy. Il ne s'agit que d'un petit mot de recommandation de Mr de st Contestà mylord Tirconnel. Je me trouve dans le cas d'avoir presque forcé madame de Benting à prendre mylord Tirconnel pour son arbitre, conjointement avec le secrétaire d'état des affaires étrangères de Prusse. Elle aurait des reproches éternels à me faire, si ces arbitres la sacrifiaient. Je présume qu'ils luy rendront justice, qu'ils ne prendront pas le party du comte de Benting dont la France et la Prusse doivent être également mécontentes, et j'attends tout de leur équité. Je n'entre dans aucune discussion de l'affaire. Je ne prétends pas que M. de Courteil et mr de st Contest soient fatiguez de procédures impériales et danoises. Je demande simplement que M. de st Contest écrive à mylord Tirconel une lettre un peu pressante en faveur de la comtesse de Benting sans entrer dans aucun détail. Mon cher ange une lettre de recommandation est peu de chose. Le ministre instruit de cette affaire ne la refusera pas. Mais en faisant cette bonne œuvre je vous suplie de ne me point nommer. Je ne veux me mêler que des affaires passées, et point du tout des présentes; mandez moy par la poste si vous avez reçu mon rogaton pour m. de Courteil, et si on a fait ce que je vous conjure d'obtenir, mais ne parlez dans votre lettre ny de made de Bentink ny de son mémoire. Il faut tâcher de ne se pas exposer en rendant service.
Je vous avais dit mon cher ange en commençant ma lettre que je ne vous parlerais ny de Rome ny du siècle de Louis 14. Cependant je dépêche par ce courier deux volumes tout farcis de corrections. Cela coûte baucoup de soins et je n'ai guères de temps. Vous ferez, vous, et mrs de Choiseuil et de Chauvelin comme vous pourez. Mais je vous conjure de lire fort vite. Ne connaissez vous personne au fait de l'histoire moderne qui pût aussi fort vite m'instruire des fautes que je n'auray pas aperçues? Mr de Foncemagne serait il homme à prendre cette peine? Je suis dans la nécessité de laisser paraître L'ouvrage dans peu, parce que des compagnons imprimeurs ont des exemplaires, et que je seray prévenu. Il ne s'agit pas icy de s'amuser, il s'agit de me rendre service, de m'instruire. Je vous le demande en grâce. Consignez ensuitte le livre entre les mains de made Denis. Mille adorations à tout ange.