23 juin [1759] aux Délices
Mon divin ange parmésan, si je n'obéis pas bien — j'obéis vite.
Il y a quelques coups de lime à donner, nous l'avouons, mais prenez toujours, et avec le temps touttes les loix de madame d'Argental seront exécutées. On sait bien qu'en parlant du courier qui va porter le billet doux la confidente peut dire
et en faire ainsi un excellent domestique qui fait pendre sa maitresse en ne disant pas son secret. Il y a encor quelque chose à fortifier au cinq, mais il s'agit à présent d'une importante négociation. Votre Suisse vous donnera bientôt autant d'affaires que votre Parme.
Madame la marquise a sçu que je faisais un drame, et moy je luy ai écrit galamment que je le luy enverrais, que je le soumettrais à ses lumières, que je me souvenais toujours des belles décorations qu'elle eut la bonté de faire donner à Semiramis, et elle m'a répondu qu'elle attendait la pièce. Que faut il donc faire, mon cher ange? la donner à mr le duc de Choiseuil, et que M. le duc de Choiseuil la donne à madame la marquise comme un secret d'état. Elle fera ses observations, elle protégera notre Sicile. Je suis Suisse il est vrai, mais je sçais mon monde et je veux que les prêtres sachent que je suis bien en cour.
Vous voyez mon divin ange que je donne toujours la préférence au spirituel sur le temporel. Vous serez bientôt outrecuidé d'un mémoire sur Tournay.
Mais Monsieur le Comte de Choiseuil part il bientôt? Je voudrais luy envoier quelque chose pour l'amuser sur la route. Qu'il n'oublie point la comtesse de Bentink à Vienne s'il veut être amusé.
Dieu mercy nos affaires vont bien en Hesse, et le Roy de Prusse à eu sur les oreilles dans une rencontre assez rude. Les Russes avancent. Luc sera matté. Je me meurs d'envie de le voir humilié. Adieu mon cher ange, vivez sain, guai, heureux. L'oncle et la nièce vous disent tout ce que vous méritez de tendre.
V.