1751-11-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Je ne vous ay point écrit madame.
J'étais un peu plus persécuté de mes maux qu'à mon ordinaire. Il ne faut pas me traitter comme les autres hommes. Ils ont une journée de vingt quatre heures, et moy j'obtiens à peine deux ou trois heures de la nature dans la journée. J'oubliai il y a quelques jours de vous renvoier votre reine de Suede. Je vous la rendrai à la première occasion. Vous voylà à Berlin comme elle était à Rome; vous y régnez par l'esprit. On nous mande que l'home machine a été à la mort, et qu'on luy a même fait venir un bon prêtre papiste, machine non pensante, et qui n'est bonne que pour les malades qui ne pensent plus. On dit que m. de Tirconnel va mieux. On dit que M. de Benting prend un furieux ascendant en Hollande. Je crois que vous n'en serez pas plus mal avec m. de St Contest. J'attends avec impatience le moment de me mettre à Berlin au rang de vos courtisans et de vos malades. Je me flatte que M. le comte de la Lippe aura un peu de vapeurs. Si vous pouviez avoir quelques petits accez de fièvre, cela serait à l'unisson. Mais j'en désespère et je vous suis attaché comme si vous vous portiez mal. Adieu madame, malgré l'énorme différence vous n'avez point de serviteur plus tendre et plus respectueux.

V.