à Berlin ce 24 [March 1751]
Madame, il se peut faire que l'on m'ait déguisé ses sentiments, et que mon dévouement si déclaré pour vous ait pu mettre en garde.
Cependant le bien qu'on a dit de vous a paru bien naturel, et d'ordinaire quand on a quelque chose sur le cœur, il y parait toujours un peu. Je n'ay pu venir à Berlin cette fois cy, le voiage n'étant que d'un jour. Ma mauvaise santé ne m'a permis de faire les huit mille, moy qui en ferais cent pour avoir l'honneur de vous voir. Nous aurons bien des choses à nous dire à notre première entrevüe. Je compte faire un petit séjour à Berlin au mois de may. Sans vous madame je ne quitterais point ma solitude. J'y suis tout acoutumé. Il faut avouer que le roy me l'a rendue délicieuse. Si vous voulez que je perce un peu le mistère dont vous me parlez vous pouvez me mettre au fait par une lettre que vous donneriez à mon secrétaire qui reviendra à Potsdam dans très peu de jours. Vous pouvez compter sur une discrétion égale à mon zèle. Je ne garde aucune lettre, je les brûle touttes, dès que j'en ay fait usage.
Je vous suplie madame de ne me pas oublier quand vous écrirez à madame la princesse de Zerbst. Je suis destiné à aimer ce que vous aimez. Ainsi je vous demande la même grâce pour M. le comte de la Lippe. Mais que devenez vous cet été? Madame, allez vous revoir ces pénates que vous avez si bravement deffendus? Resterez vous à Berlin? Puissiez vous être à Berlin et ailleurs aussi heureuse que vous le méritez.
V.