1765-12-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Henri Louis Lekain.

Mon cher ami, vous aurez sans doute le crédit de faire mettre deux cartons à cette pauvre Adélaïde.
Le Libraire ne poura refuser de prendre cette peine que j'ai offert de paier. Les deux fautes dont je me plains sont capitales, et peuvent faire très grand tort à un ouvrage que vous avez fait valoir.

Le premier carton doit être à la page 30:

Non, c'est pour obtenir une paix nécessaire.
Gardez d'être réduit au hazard dangereux
Que les chefs de l'Etat ne trahissent leurs vœux:

Il faut mettre à la place,

Non, c'est pour obtenir une paix nécessaire;
On la veut, on en traitte; et dans tous les partis
Vous serez prévenus, je vous en avertis.
Passez les en prudence.
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Le second carton doit être à la page 39 où il se trouve deux vers répétés dans la même scène:

Enflé de sa victoire, et teint de vôtre sang
Il m'ose offrir la main qui vous perça le flanc.

Il faut mettre à la place,

Tout doit, si je l'en crois, céder à son pouvoir,
Lui plaire est ma grandeur, l'aimer est mon devoir.

Je vous demande en grâce d'éxiger ces deux cartons; et si le libraire est assez sot et assez malhonnête pour le refuser, éxigez du moins qu'on fasse un errata dans lequel ces deux corrections se trouvent. Vous sentez à quel point ma demande est juste. Celui qui a glissé dans ma pièce ce détestable vers inintelligible,

Que les chefs de l'Etat ne trahissent leurs vœux,

ne m'a pas rendu un bon service.

Mandez moi, je vous prie, quand vous jouez Gustave. On m'a écrit que si M: le Dauphin se porte mieux, il y aura encor des spectacles à Fontainebleau, mais j'en doute beaucoup. Je crois Mr D'Argental à la cour, c'est pourquoi je vous adresse cette lettre en droiture.

Adieu, vous savez combien je vous suis tendrement dévoué.