1765-11-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Lullin.

Monsieur,

Ce matin quatre citoiens m'ont fait dire qu'ils voulaient me parler; je leur ai envoié un carosse, je leur ai donné à diner, et nous avons discuté leurs affaires.

Je dois d'abord leur rendre témoignage qu'aucun d'eux n'a laissé échapper un seul mot qui pût offenser les magistrats. Je ne crois pas qu'il soit impossible de ramener les esprits, mais j'avoue que la conciliation est fort difficile. Il y a des articles sur lesquels il m'a paru qu'ils se rendraient; il y en a d'autres qui demandent un homme plus instruit que moi, et plus capable de persuader. J'avais imaginé un tempérament qui semblait assurer l'autorité du Conseil, et favoriser la liberté des citoiens; je vous en ferai part quand je pourai avoir l'honneur de vous entretenir. Vous serez du moins convaincu que je n'ai profité de la confiance qu'on a bien voulu avoir en moi, que pour établir la concorde. Mes lumières sont bornées, mes vœux pour la prospérité de la République ont plus d'étendue.

Je vous suplie, Monsieur, d'assurer le Conseil de mon zèle et de mon très respectueux dévouement, et de croire que j'aurai toujours l'honneur d'être avec les mêmes sentiments

Monsieur

Vôtre très humble et très obéïssant serviteur

Voltaire