Ferney 4e 8bre 1765
Mon cher ami, je supose toujours que Mylord Abington, qui a eu le bonheur d'aller faire sa cour à L: L:AA: EE. leur a rendu compte du triste état où il m'a vu.
Ce n'est pas seulement la vieillesse qui m'accable, car il y a des vieillards qui ont encor de la force, mais je languis sous une complication de maladies qui ne me laissent aucun repos ni jour ni nuit, et qui me mênent au tombeau par un chemin fort vilain. Ma seule consolation est de dicter quelquefois des fadaises, et de m'armer d'une philosophie inébranlable contre les maux qui me persécutent.
Je ne sais si Son Altesse Electorale a été informée qu'on fait à Paris une très belle estampe de la famille des Calas. On a fait une espèce de souscription pour cette estampe, elle est prête. Je ne doute pas que Monseigneur L'Electeur n'ait à Paris un ministre qui poura souscrire en son nom et lui faire parvenir le nombre d'estampes qu'il ordonnera. Elle vaut un écu de six livres. Je n'ose prendre la Liberté d'écrire à Monseigneur. Je ne me sens pas dans l'état où je suis, assez d'esprit pour l'amuser, et je suis trop respectueusement attaché à sa personne pour l'ennuier. Je vous prie instamment de me dire s'il prendra de ces estampes, et surtout de lui présenter les hommages du plus dévoué et du plus fidèle serviteur qu'il aura jamais. Je vous embrasse bien tendrement.
V.