1765-07-24, de Voltaire [François Marie Arouet] à Catherine II, czarina of Russia.

Madame,

Je n'ai pas manqué de chercher le neveu de l'abbé Bazin pour lui communiquer la Lettre dont vôtre Majesté Impériale m'a honoré.
C'est un homme retiré et obscur, mais vôtre gloire est venue jusqu'à lui; elle lui est chère, il connait l'étendue de vôtre génie, de vôtre esprit, de vôtre courage. Il vous admire d'avoir su réduire les prêtres à être utiles et dépendants. Si je n'étais pas si vieux que je le suis, je demanderais à Vôtre Majesté, la permission d'assister avec lui au premier carouzel qu'on ait vu dans vos climats. Talestris ne donna jamais de carouzel, elle alla cageoler Aléxandre, mais Aléxandre serait venu vous faire sa cour.

On n'a point encor incendié le livre de L'abbé Bazin. On croit qu'il l'a composé dans vos états, car la vérité vient du nord, comme les colifichets viennent du midy.

Aureste, Madame, le neveu Bazin m'a dit qu'il avait été très attaché à Madame La Princess de Zerbst, mère de Vôtre Majesté, il dit qu'elle était aussi fort belle et pleine d'esprit; et que si elle vivait, elle serait prête à mourir de joye en voiant les succez de sa fille.

Il y a un meilleur parti à prendre, c'est celui d'en être longtemps témoin. Que Vôtre Majesté Impériale me permette de me joindre au petit Bazin pour me mettre à vos pieds.

Je suis avec un profond respect,

Madame

de Vôtre Majesté Impériale

Le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire