1771-07-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Count Andrei Petrovich Shuvalov.
Oui j’aime Pallas l’intrépide
Qui fait tomber sous son Egide
Tout l’orgueil de ce vieux sultan.
J’admire avec même justice
Cette Pallas législatrice
Qui de la Finlande au Cuban
Donne une loy moins tirannique
Que certain code lévitique
Et le fatras de l’Alcoran.

Courage braves Russes, la victoire est toujours venue du nord. Il faut que la raison en vienne, il faut que les beaux et malheureux climats si longtemps soumis à l’inquisition ou à l’équivalent, et peuplés de tant de fripons et d’imbéciles, soient éclairés par L’étoile du nord qui fait briller du haut du pôle arctique la tolérance universelle qu’on n’ose pas même désirer encor dans certains pays.

Savez vous Monsieur le comte que grâce à la stupidité d’un de nos Welches revêtu à Paris de L’Eminente dignité de censeur des livres, l’instruction de sa majesté impériale n’a pas eu la permission d’entrer en France? N’imputez point cette barbarie à notre nation, elle n’en est point coupable. Tous les gens qui pensent parmi nous, révèrent cette instruction admirable et n’en voudraient jamais d’autre. Notre chancelier n’a rien sçu de cette sottise, cela s’est fait uniquement par la bêtise des subalternes et avant le changement des magistrats. Mais on est très coupable d’avoir confié quelque espèce de jurisdiction sur les belles lettres à des gens qui ne devraient avoir que la surintendance des chardons.

Ouy je reçus en son temps la lettre que vous eûtes la bonté de m’écrire sur mr de Tchogaglof. Je ne sçais où il est et j’ay abandonné cette petite affaire pour la quelle on m’avait vivement sollicité.

J’ay eu l’honneur de vous adresser un ingénieur dessinateur, garçon de mérite qui peut être utile.

Je vous souhaite, j’espère une paix glorieuse digne de vos victoires. Si Moustapha n’a pu être chassé par les Russes, il les respectera du moins, et votre voisin le poète empereur Chinois les respectera aussi. L’autre Poète Roy de Prusse sera toujours leur bon ami, si les rois sont amis. Je ne réponds point du troisième, et je vous garde le secret.

Mes respects à madame la comtesse.