à Geneve 30 may [1765]
Il y a deux mois ou environ qu'on envoya de Paris aux srs Crammers à Geneve un manuscrit contenant la justification de la gazette littéraire.
On les assura qu'ils feraient plaisir à Monseigneur le duc de Pralin d'imprimer cet ouvrage, et on leur recommanda de luy envoyer les premiers exemplaires.
Mr Crammer me firent lire le manuscrit. Je le trouvay aussi spirituel que raisonable et je fus surpris qu'on ne l'imprimât point à Paris. On me pria de presser l'imprimeur et on m'écrivit plusieurs lettres. En conséquence je crus qu'on avait commencé par préssentir les volontez de Monseigneur le duc de Pralin.
M. de Montperoux s'est rencontré aujourd'huy chez moy avec M. Crammer l'aîné, qui n'a pas manqué d'envoier deux exemplaires comme on le luy avait recommandé.
Nous avons jugé que la lettre de Monsgr le duc à M. de Montpérou avait précédé la réception de ces deux éxemplaires.
Nous avons présumé aussi que les autheurs de la justification de la gazette littéraire n'avaient pas consulté le protecteur de cette gazette, et n'avaient pas eu son agrément.
Sans aprofondir les raisons de supprimer ce petit livre, Mr Crammer s'est engagé à le supprimer, uniquement pour montrer sa déférence aux désirs de Mgr le duc de Pralin, et il m'a même promis en présence de M. de Montpéroux d'envoyer le manuscrit, ou du moins les feuilles qu'il poura retrouver. Voylà l'état des choses.
S'il est vray (ce qu'on m'a mandé) que le détracteur qui avait écrit contre mrs Darnaud et Suart leur ait demandé pardon, et que la paix soit faitte, je conçois qu'il ne faut pas faire d'hostilitez. Si on a pris seulement des allarmes sur ce que cet écrit s'imprimait à Genève, ces allarmes peuvent être appaisées par la lecture de l'ouvrage, qui est certainement d'un homme supérieur et digne d'être protégé par Mgeur le duc de Pralin.
Voilà tout ce que je sçais de cette petite affaire, qui ne mérite pas de dérober un moment aux occupations d'un ministre, et que je suppose entièrement finie.
Je supplie Monseigneur le duc de Pralin de vouloir bien agréer mon attachement et mon respect.
V.