1765-08-26, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mes divins anges, je viens encor de recevoir plusieurs paquets contresignez, L'Averdi, Choiseuil, St Florentin.
Tous les paquets adressez directement à moy de la part de ceux qui ont droit de contreseing, me sont rendus et l'ont été sans difficulté; on n'en fait que lors que ces paquets sont adressez à quelqu'un pour une autre personne. C'est pour avoir pris trop de précaution, c'est pour m'être fait adresser l'ouvrage du jeune homme sous le nom de Camp, et pour avoir fait mettre une seconde enveloppe à Vagniere à Geneve chez un marchand, que ce paquet fut taxé, c'est pour avoir envoyé ce même ouvrage de Geneve à votre nom sous celuy de M. le duc de Pralin qu'il a été taxé encore. Si je l'avois envoyé tout ouvert à m. le duc de Pralin en le priant de vous le remettre il aurait certainement joui d'une pleine franchise. M. le duc de Pralin pourait donc très aisément m'envoyer cet ouvrage et même avec un mot de sa main, étant très permis à un ministre de lire de mauvais vers et de me les renvoyer.

J'avait été extrêmement effarouché de l'avanture de la demi feuille, mais il n'y a qu'à ne plus écrire de ces demi feuille et à continuer sa correspondance comme à l'ordinaire en observant seulement que les gros paquets comme l'ouvrage en question que m. le duc de Pralin me renverrait directement ne fussent pas sous une autre enveloppe que la sienne.

J'envoye donc ce présent mémoire à mr de Courteille pour premier essai, et surtout je vous demande très humblement pardon de ces détails, et de ces embaras, tristes fruits d'une éternelle absense.

Je devais vous envoyer aujourdui des vers que j'ay faits pour mademoiselle Clairon, mais comme Gabriel Crammer, toujours extrêmement attentif, ne m'en a donné aucun exemplaire, et que mademoiselle Clairon qui vient de partir, s'est saisie à mon insçu de ceux qui sortaient tout mouillez de la presse, vous ne les aurez que par la prochaine poste. Je les ay faits avec beaucoup de soin, ils n'en sont peutêtre pas meilleurs.

Je vous ay suppliez de m'obtenir du dépost des affaires étrangères un éclaircissement sur les secrétaires d'ambassade, et surtout sur celle de Venize. Je vous réitère ma très humble prière.

Je crois ou du moins on croit icy que Montperoux, résident à Geneve, n'a pas longtemps à vivre. Il est attaqué d'une jaunisse à la suitte d'une apoplexie. Il y a un monsieur Astier, commissaire de marine en Hollande, c'est un philosophe et de plus un homme très sage et très aimable. Si monsieur de Montperoux succombait, si vous protégiez mr Astier, mr le duc de Pralin ne pourait faire un meilleur choix.

J'avoue qu'il me serait dur de me transplanter à mon âge, mais il le faudrait bien, si on me chicanait. Vos bontez me rassurent.

Permettez que j'insère icy ce petit mot pour le Kain.