1765-01-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Paul Claude Moultou.

Il faut, Monsieur, que le passeport ait été signé avant qu'on eût reçu les deux semonces que j'ai faites selon vos désirs, car voici ce qu'on me mande du 24e Janvier.
‘On vous a envoié vôtre passeport pour le vieux malade. Mr le Duc De Praslin ne ferait pas plus de difficulté d'en accorder un à son prêtre de fils, mais il prétend que celui du père servira. Si cependant on prévoiait quelque obstacle, vous n'aurez qu'à m'envoier une nouvelle note pour le ministre du st Evangile, et vous serez expédié à la réception de vôtre Lettre’.

Ainsi, mon cher philosophe, toutes vos terreurs paniques seront dissipées. Je supose que made la Duchesse d'Anville aiant reçu vôtre Lettre, a déjà agi en conséquence. Si elle ne l'avait pas fait vous savez que je suis à vos ordres, j'écrirai sur le champ, de la manière que vous me prescrirez. Mr vôtre père n'est-il pas citoien ou bourgeois de Genêve? Citoien ou bourgeois n'est-ce pas la même chose en France? Vous ne voulez pas probablement qu'on mette le titre de Français réfugié dans le passeport? Encor une fois, si made la Duchesse D'Anville n'était point à Paris, aiez la bonté de m'envoier le modèle précis suivant lequel ce passeport doit être conçu, et vous serez servi avec la plus grande exactitude.

Il est vrai, mon cher philosophe, que je rends les Délices, l'état de mes affaires ne me permet pas de les garder. J'ai éssuié quelque petite tribulation dans ma fortune, et il ne m'appartient pas d'avoir autant de maisons que le soleil. Quand aurai-je donc le plaisir de vous revoir dans celle que j'habite encor? Je vous embrasse très tendrement et très philosophiquement.

V.