1765-01-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à Paul Claude Moultou.

Vous savez bien, mon cher philosophe, que j'écrivis le vendredi, et qu'en conséquence de la rage que vous aviez d'être intitulé ministre du St Evangile, j'écrivis encor le samedi.
On me mande en réponse de la Lettre du vendredy que vous aurez vôtre passeport. Mais je tremble, je vous l'avoue, que la Lettre du samedi n'ait tout gâté. Il est très certain qu'avec un passeport du ministre vous auriez été dans la plus grande sécurité.

La petite avanture de mr Jalabert arriva dans un temps suspect, et il y eut des circonstances particulières qui n'ont rien de commun avec la situation présente. Il se peut faire que ma rétiscence du vendredi sur vôtre sacré ministère, et mon aveu du samedi, aient donné quelques soupçons. Si dans huit jours, nous ne recevons pas le passeport, il faudra absolument que made la Duchesse D'Anville réponde pour vous et qu'elle jure que vous n'êtes pas plus serviteur de ce farouche Calvin, que de ces fripons imbéciles du concile de Nicée. Qui croirait qu'il fallût tant de soins et tant de peines pour respirer l'air de son païs! Nous sommes encor bien Welches.

Hodie que manent vestigia ruris.

Le mot de ruris est trop faible icy, c'est barbaries qu'il faudrait mettre. Je vous demande pardon pour la France, mais Genêve n'est guères plus sage.

Illiacos intra muros peccatur et extra.

Zuric me parait plus raisonnable que le tripot de Calvin. Zwingle était un bon et brave Déïste qui a laissé son esprit à ses compatriotes, Dieu soit béni!

Bon soir, mon cher philosophe, qui j'aime, et que je respecte pour ma vie.