Je vous fais mon très sincère compliment sur le guain de votre procez, sur votre éloquence qui a persuadé les juges, et sur la manière dont ils vous ont reçue; àprésent que voilà vos affaires contre la chicanneuse douairière en si bon train, trouverez vous mauvais que je vous amène monsieur de Richelieu chez vous pour vous consoler un peu de l'ennuy que la sollicitation d'un procez a dû vous donner?
Nous comptons sous votre bon plaisir et sous celuy de mr de Berniere arriver à la Riviere vendredy prochain au soir onzième du mois. Monsieur le duc de Richelieu compte coucher chez vous et le lendemain samedy aller chez mr le duc de Brancas et de là à Paris. Mais j'ai bien des propositions à vous faire de sa part avant d'arranger notre voiage. Voiez si vous pouvez envoier quatre chevaux de carosse à Roüen vendredy sur les cinq ou six heures du soir, et si le lendemain vous pourez en prêter deux pour nous mener à la Bouille. Mandez moi surtout je vous en prie si c'est à la Bouille que l'on prend la poste pour aller au bec, si une berline peut passer le Bac, et peut franchir la vilaine montagne qui est par delà. A l’égard des chevaux qu'on vous demande, peutêtre il y t'il un peu d'indiscrétion à vous en demander, le vendredi pour aller de Rouen à la Riviere, et le samedi pour aller de la Riviere à la Bouille ou à tel autre endroit où l'on prendroit la poste pour le bec.
Je vous conseille donc sur tout celà deux choses, premièrement en cas que le chemin de la Riviere à la Bouille et au bec soit praticable de vous contenter de nous donner le samedy des chevaux pour la Bouille et alors nous arriverions chez vous de Roüen avec des chevaux de poste; ou bien de nous envoier quatre chevaux vendredy au soir en cas qu'une berline ne put aller de la Bouille au bec, parcequ'en ce cas je ne dirois rien à monsieur le duc de Richelieu de cette difficulté, et je serois charmé qu'il se trouvast obligé de rester tout le samedy à la Riviere.
Quelque chose qui arrive attendez nous vendredi au soir, et n'allez pas vous piquer de faire trop grande chère à gens qui sont acoutumez au régime et à qui il ne faut qu'un repas très frugal. Nous serons quatre de notre bande, mr le duc de Richelieu, l'abbé de st Remi, un médecin, et moi. Aiez la bonté de me mander sur cela vos intentions. Je vais écrire à monsieur de Bernieres un petit mot. Adieu, j'attends votre réponse, mais j'attends avec bien plus d'impatience le jour où j'aurai l'honneur de vous voir.
à Forges ce 2 juillet [August 1724]