le 20 juillet [1724]
Plus de nouvelles à la main mon cher ami, ni de gazettes.
On est à Forges à la source des nouvelles. Je ne vous conseille point de commencer votre édition au prix que l'on vous propose. Je croi qu'il vaudroit mieux vous acomoder avec un libraire qui se chargeroit des frais et des risques, et qui en vous donnant cinquante ou soixante pistoles vous conserveroit votre tranquilité. Songez je vous prie à tous les périls qu’à courus Henri quatre. Il n'est entré dans la capitale que par miracle. On a baucoup crié contre lui, et comme la sévérité devient plus grande de jour en jour dans l'inquisition de la librairie, il se poura fort bien faire qu'on saisisse les exemplaires de l'abbé de Chaulieu à cause des prétendues impiétez qu'on y trouvera. D'ailleurs soiez sûr que cela vous coûtera plus de cent pistoles avant de l'avoir fait sortir de Rouen. Joignez à cela les frais du voiage, de l'entrepôt et du débit, vous verrez que le guain sera très médiocre et que de plus il sera mal assuré. Ajoutez à cela que l’édition ne sera point achevée probablement quand il vous faudra partir de la Riviere, puisque Viret a été cinq mois à imprimer mon poème. Encor une fois je croi qu'il vaudroit mieux pour vous conclure votre marché à quelque cinquantaine de pistoles pour vous épargner les embaras et les craintes inséparables de pareilles entreprise. Voilà quelles sont les représentations de votre conseil. Après cela vous en ferez à votre guise. J'aifait des vers pour la duchesse de Bethune, mais comme ils sont faits à Forges où l'on n'en a jamais fait de bons je n'ose vous les envoier.
Mes complimens à tout le monde.