1723-06-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marguerite Madeleine Du Moutier, marquise de Bernières.

Votre Gazette ne sera pas longue cette fois ci, car le gazetier est très malade et a la fièvre actuellement.
Il n'y a de santé pour moy que dans la solitude de la Riviere. Je crois être en enfer Lorsque je suis dans la mauditte ville de Paris. Mes afaires dont vous avez la bonté de me parler vont toujours de mal en pis, et le chagrin pouroit bien m'avoir rendu malade. Vous devez savoir que monsieur le duc de Richelieu est actuellement à Forges, mais je ne crois pas qu'il vienne faire baucoup d'agaceries aux dames de Roüen. Je lui ai conseillé d'aller vous demander à coucher en allant chez monsieur le duc de Brancas. La chose sera assez difficile par ce qu'il a fait le voiage en berline avec le comte de Heim qu'il se charge de ramener à Paris.

Je vous dirai pour touttes nouvelles que le poète Roi s'étant vanté mal àpropos d'avoir obtenu une charge de gentilhomme extraordinaire, messieurs les ordinaires ont été en corps suplier monsieur le duc d'Orleans et monsieur le Cardinal Dubois de ne leur point donner pour confrère un homme dont il faut brûler les ouvrages et pendre la personne.

Monsieur de Morville fut reçu à l'académie mardi dernier où il fit un discours très court. La harangue de mr Mallet qui le reçut parut très longue, et de peur que vous n'en disiez autant de ma lettre je finis vous assurant que je suis malade comme un chien et d'ailleurs la plus malheureuse créature du monde vous aimant de tout mon cœur.