1724-08-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marguerite Madeleine Du Moutier, marquise de Bernières.

J'arrivai hier à Paris et logeai chez le baigneur où je suis encor, mais je compte profiter demain de la bonté que vous avez de me prêter votre apartement.
Le mien ne sera prêt que dans huit ou dix jours au plutôt. Je suis obligé de passer ma journée avec des ouvriers qui sont aussi trompeurs que des courtisans; c'est ce qui fait que j'irai très volontiers à Fontainebleau, et que j'aimerai tout autant être trompé par des ministres et par des femmes que par mon doreur et par mon ébeniste. Puisque vous savez mes fredaines de Forges il faut bien vous avouer que j'ai perdu près de cent louis au pharaon selon ma louable coutume de faire tous les ans quelque lessive au jeu. Si les eaux me font quelque bien je ne regretterai point mon argent. J'irai demain chez monsieur d'Argenson et j'exécuterai vos ordres très ponctuellement. Chargez moi je vous en prie de baucoup de comissions afin que je puisse me consoler de n’être pas à la Riviere. Je vous écrirai un peu plus au long dès que je me serai reconnu, car je suis acablé d'afaires de tous les côtez.