1724-08-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Me si fata meis paterentur ducere vitam
auspiciis et sponte mea componere curas,

je serois avec vous à la Rivière mon cher Tiriot et je me ferois un grand plaisir de parler avec vous de Belus et de Semiramis et avec madame de Berniere de Clodion le chevelu; me voici replongé avec douleur dans ce maudit goufre de Paris, acablé d'afaires et de fatigues. Je ferai imprimer ici notre Mariamne ce qui m'y retiendra quelque temps. J'ai apris qu'on avoit réimprimé mon poème avec quelques autres pièces fugitives de moy. Je vais travailler à les faire saisir. Le soin de faire achever mon apartement et de le faire meubler m'emporte tout mon temps. Je suis entouré d'ouvriers comme madame de Bernieres. Tout cela altère un peu ma chétive santé. Je vis hier votre frère, qui m'a du moins épargné l'embaras de choisir des étoffes pour m'habiller, et qui m'a en cela baucoup soulagé, car je ne vaux rien pour le détail. Du reste je ne sai aucune nouvelle, je n'ai encor vu personne, et je pourois bien sortir de Paris sans avoir rien vu que des imprimeurs et des livres. Je vous envoierai un poème de la nouvelle édition dès que j'en aurai atrapé un exemplaire, et à votre retour je vous montrerai bien des choses nouvelles qui auront je croi le mérite de vous amuser un peu.