à Geneve le 28 Janv. 1767
J'ai toujours été M. dans la persuasion que vous aviez avec Geneve la même correspondance que par le passé et que par conséquent vous souffriez moins que personne de l'interdiction.
Je suis autorisé à donner un Passeport à celui de vos gens que vous voudrez envoyer icy, et quand vous m'aurez envoyé son nom je le ferai expédier. Le ton de votre Lettre m'afflige sincèrement. Il ne tient qu'à vos malades d'avoir des secours puisque M. Joly et Cabanis ont des Passeports pour aller et venir et que votre Commissionaire peut chaque jour prendre icy tous les remèdes dont ils auront besoin.
N'ajoutez pas je vous prie à la tristesse et à l'ennuy de ma position le Chagrin de vous sçavoir mécontent. Croyez que j'ai fait et ferai tout ce qui sera en moy pour diminuer les maux de cette contrée. Malheureusement on ne trouve pas que je sois au ton du moment, mais je sçais paroître avoir tort quand il s'agit de faire le bien.
La neige m'a empêché d'aller vous voir M. car malgré les embarras dont je suis surchargé j'avois besoin d'une heure de conversation avec vous et j'aurois été la chercher. Aussitôt que cet obstacle sera levé vous me verrez arriver à Ferney. Croyez je vous prie que je désirerois surtout que les circonstances où se trouve ce Pays cy n'influassent en rien sur votre bonheur, et disposez de moi en tout ce qui sera de mon ressort.
Votre Lettre pour M. Thomas lui sera remise en main propre. Je serai toujours très aise d'être utile à votre correspondance avec vous amis et les gens dont vous faites cas et je trouverai qu'il étoit fier de porter des Reliques n'avoit pas tout à fait tort.
Je vous embrasse et vous prie de vous souvenir un peu plus souvent du lieutenant de police de l'ennuyeuse patrie de Jean Jacques.