à Paris ce 21 juillet [1764]
Mes voyages et mes affaires m'ont empêché, mon cher confrère, de répondre plustôt à votre dernière lettre, mais soyés bien perssuadé que je vous aime toujours.
J'ay lu L'éducation d'un prince qui m'a paru charmante. A l'égard de vos remarques sur Corneille, bien des gens les trouvent trop sévères et quelques fois peu respectueuses. Quand à moy je voudrois qu'on gardât pour les vivants tous les égards de la politesse et qu'il fût permis de dire librement son avis sur les morts. Quoique archevêque J'aimerai toujours les lettres, et je les cultiverai dans les intervales de mes occuppations. Je hais le pédantisme jusques dans les vertus; ainsi en remplissant mes devoirs de pasteur, je n'abbandonnerai pas entièrement les livres, ni la société des gens d'esprit. Je partirai au mois d'octobre pour Albi où je passerai un an de suite. J'espère que vous m'y donnerés régulièrement de vos nouvelles et que vous me fairés par de tous les petits ouvrages qu'il sera convenable d'envoyer à un Cardinal archevêque. Je vais travailler au bonheur de trois cent vint sept paroisses. Je vous avoüe que je suis bien aise d'en avoir le pouvoir, et que la vie ne me paroit qu'une simple végétation à moins qu'on ne l'employe à éclairer les hommes et à les rendre plus heureux et meilleurs. Adieu, mon cher confrère, du pied de vos alpes instruisés, amusés l'Europe, et conservés votre gayeté, qui vous a fait vivre pour la gloire des lettres.