1764-04-21, de Jean Pierre Crommelin à Pierre Lullin.

Monsieur,

Comme je suis informé de l'instance du Curé de Fernex, que le nôtre ne mettra pas moins d'activité pour l'affaire de Moens, et que je ne voudrois pas qu'on pût me soupçonner un moment de négliger une affaire aussi intéressante pour l'Etat, j'ai l'honneur de vous écrire uniquement pour vous faire savoir, que les circonstances de la mort de Made de Pompadour n'ayant pas permis à Mr d'Aguesseau de voir Mr de Praslin dans le tems qu'il me l'avoit promis, je lui ai écrit une lettre, où je lui ai représenté avec toute la force dont je suis capable les suites de l'enchainement qui avoit jusques ici suspendu l'Arrêt du Conseil nécessaire à notre tranquillité, que, pendant ce tems là, le Parlement de Dijon, qui n'étoit arrété par aucune espèce d'incident, aloit son chemin, j'ajoutois que, s'il avoit quelque doute encor sur le procès qu'il avoit à juger, je me rendrois chés lui à l'heure qu'il me fixeroit, ne faisant aucun doute de les lever, mais que, s'il n'en avoit point, je le supliois de n'aporter aucun délai à la justice qu'on nous devoit.
Vous pouvés croire que j'avois commencé par légitimer le retard qu'avoit aporté la mort de la Marquise, et que j'avois assaisonné mes instances d'accès de politesse pour qu'elles produisissent leur effet sans le blesser. Je vous envoie sa réponse, pour que vous voiés que j'ai lieu de me flatter de voir bientôt cette affaire terminée. Je ne m'en suis pas tenu là, comme le jour marqué par Mr d'Aguesseau pour conférer avec Mr de Praslin, est aujourd'hui, j'écrivis hier au Ministre pour lui faire sentir la nécessité de finir, et pour lui faire entendre que le sr Afforti jouoit par ses lenteurs un jeu à faire périr sans ressources l'affaire de Mr de Voltaire, après y avoir semé toutes les épines que l'on y trouve, car il y a trois semaines que Mr de Praslin me remet, parce, dit il, que d'un jour à l'autre, Mr Afforti doit lui rendre compte de l'état où est la procédure de Made Denis, or j'ai apris par les bureaux qu'il n'en a rien fait, et j'en ai instruit le Ministre. Je me flatte que toutes ces instances réunies produiront l'effet que nous voulons, je terminai ma lettre par prier S. E. de raporter au 1er Conseil l'affaire de la République, et lui représentai, que, cela fait, il étoit de l'équité du Roi de donner tout de suite un sursis pour celle de Mr de Voltaire, puisqu'elle se trouveroit être jugée par notre Arrêt, ou d'obliger Mr de St Florentin à la raporter immédiatement après.

Le Conseil verra par ce détail, et les héritiers de Mr de Montreal aussi, que je ne puis rien faire de plus, J'ai l'honneur d'être

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

Crommelin