1762-07-26, de Voltaire [François Marie Arouet] à Henri Cathala.

Monsieur Heron, premier commis du grand conseil, me mande qu'il est très instruit de l'horrible arrêt de T. Il est d'avis qu'on porte à mr de St Florentin la requête au roi signée de la veuve Calas, afin que l'affaire soit portée au conseil des dépêches.
J'avais toujours été de cet avis, cette voie m'a paru comme à mr Heron la plus sûre et la plus prompte. Je crois que made Calas ou quelqu'un de ses amis bien instruits doit aller sur le champ chez mr Heron lui parler avec l'attendrissement le plus touchant et la plus entière confiance. C'est l'homme du monde le plus capable de donner les meilleurs conseils, et de rendre les plus grands services. Il demeure rue Taranne, faubourg st Germain.

J'insiste toujours pour que cette affaire qui doit intéresser le genre humain soit suivie avec une chaleur que rien ne ralentisse.

Je suis d'avis qu'on fasse venir de T. une attestation du chirurgien qui soit favorable. Il sera aisé de l'avoir, et ce sera une pièce sur laquelle on pourra commencer le procès.

Depuis cette lettre écrite j'ai vu celle de mr Lavaysse père, et les lettres de made C. du 21e juillet.

Je conjure cette veuve infortunée de ne se pas désespérer, et je supplie tous ses amis de ne se pas effrayer des lenteurs inévitables dans une telle affaire.

Si mr Mariette est occupé d'autres procès mr d'Argental pourra choisir un autre avocat au conseil.

Madme la m. de P. est très touchée, et on en verra les effets avant qu'il soit un mois. L'Europe entière aura le jugement et les juges en horreur, et cet arrêt de tout le public vaut bien un arrêt du conseil. Il faudra bien que le conseil rende enfin justice quand le public l'aura rendue.

Encore une fois qu'on voie mr Chaban et mr Heron.