1762-07-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à Philippe Debrus.

Lecture faite des lettres de mr Cromelin du 8e juillet, de celle de mde Calas du 9me juillet à mr Cathala et des autres pièces, mon avis est qu'on cherche tous les moyens qui peuvent s'entr'aider sans pouvoir s'entrenuire.
Je pense come mr Cromelin qu'on peut tenter de présenter une requête au roi par le moyen de mde Pompadour. Cette tentative peut faire un bon effet et n'en peut faire un mauvais. Si elle ne réussit pas, on sera toujours bien reçu à poursuivre l'affaire en forme. Le grand point est de préparer les esprits, d'avoir des protecteurs et de toucher tous les cœurs en faveur de cette famille infortunée. La publication des lettres de la mère et du fils a produit déjà un prodigieux effet; j'espère qu'on en fera une édition à Paris. Le libraire du Chene s'en est chargé; il faut envoyer chez lui une personne intelligente qui lui dise que le public désire ces pièces. Mr Damis Laville, pr commis des vingtièmes, quai st Bernart, se charge de son côté de presser cette édition. Ces pièces ont entièrement convaincu mr de Nicolai, pr président de la chambre des comptes. Il l'a mandé à mr le docteur Tronchain & à moi. Mr D'Auriac, pr président du grand conseil, gendre de mr le chancelier, agit de même. Mde Calas peut les aller remercier l'un et l'autre. Elle peut aller aussi chez mr de St Florentin quand il donne ses audiences à Paris. Ce ministre est très bien disposé en sa faveur. Je souhaite qu'elle puisse lui être présentée par mr Chaban, intendant des postes. Mr Chaban demeure avec mr Tronchain, rue St Augustin. Il est surtout important qu'elle puisse se présenter à mr Menard, pr commis de mr de St Florentin, home de beaucoup de mérite, qui a un très grand crédit et qui la protégera.

Elle peut aller aussi chez mr Heron, pr commis du conseil, rue Taranne; à qui j'ai envoyé les lettres imprimées.

J'attends une réponse de mr le duc de la Valiere pour savoir s'il peut présenter notre malheureuse veuve à mde la marquise de Pompadour. Je vais écrire avant de me coucher à mr le duc de Choiseuil pour la 2de fois. Pour épargner à mde Calas beaucoup de démarches et d'embarras je me charge de faire une nouvelle requête où toutes les erreurs minutieuses de la pre seront corrigées. Mr le duc de la Valiere portera cette requête à mde de Pompadour, pour la présenter au roi. Cette requête peut toucher sa majesté et je ne serais point du tout étonné que le roi se charge lui-même d'approfondir l'affaire. Cette démarche n'empêchera point que mr Mariette n'agisse individuellement et que l'on ne tâche d'obtenir de Toulouse les pièces nécessaires. Mais quel huissier osera porter une sommation au greffier du parlemt si ce parlem. a défendu come on le dit la communication des pièces du procès?

Quoi qu'il arrive je servirai cette dame de tout mon pouvoir. Je la supplierai de vouloir bien accepter une somme de 100 écus pour continuer l'affaire dès qu'elle sera en train.

V.

N. B. Elle ne ferait point mal d'aller voir mr Audiber, chez mrs Tourton et Baur, fameux banquiers, vers la place Vendôme.