1763-10-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Manoël de Végobre.

J'ai de fortes raisons, Monsieur d'espérer que Mr De Maupeou nous sera favorable.
J'attends une réponse de Mr Mariette à qui j'ai demandé quand on pourait mettre l'affaire de made Calas sur le bureau. Il m'avait toujours flatté que ce serait quelque temps après la st Martin; je l'espère encor, et j'ai une grande confiance dans le zèle de nos amis de Paris qui ne nous abandonneront point.

D'ailleurs, l'admission de la requête est un préliminaire qui ne permet pas de douter qu'on ne nous rende une justice complette. Il me semble qu'il suffit de la demander pour l'obtenir. Admettre la requête, c'est déclarer Calas innocent; et on ne peut reconnaitre son innocence sans convenir que ses juges sont des prévaricateurs. Il faut renoncer à toute justice, ou accorder des dédommagements à la veuve. Tous les avocats sont unanimement de cette opinion.

Pour moi, Monsieur, je ne ralentirai pas mes soins et mes démarches; je continuerai comme j'ai commencé, et j'espère que nous serons bien secondez. Je vous suplie quand vous verrez Mr De Brus, de vouloir bien lui faire mes compliments, aussi bien qu'à Mr de Carbon. Mr le Mal de Richelieu qui est malade aux eaux, ne m'a point encor répondu sur ce qui regarde ce gentilhomme. J'aurai l'honneur du lui écrire dès qu'il sera de retour à Bordeaux. La vie est bien courte et les affaires bien longues.

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux, Monsieur, vôtre très humble et très obéïssant serviteur

V.