à Ferney 10 avril 1764
Monsieur,
Il y a longtemps qu'on m'avait remis ce mémoire pour vous être présenté dans un voiage que je devais faire à Dijon.
Les maladies dont je suis accablé ne m'ayant pas permis de vous faire ma cour, je remplis au moins les vœux de notre petite province en vous adressant ses supplications; il n'est que trop vrai que l'abus dont on se plaint, est très préjudiciable, et que tous nos cultivateurs seront bientôt des horlogers employez par Geneve. Nous avons plus de besoin de charues que de montres; et c'est icy le cas où le nécessaire doit l'emporter sur le superflu. Pour moy monsieur je me borne uniquement à espérer votre protection pour notre pauvre petit pays. Je ne doute pas que si vous voulez bien représenter au conseil l'état où nous sommes vous ne fassiez rendre un arrest qui deffende aux paysans de quitter la culture des terres pour servir les horlogers de Geneve. Nous attendons tout de votre sagesse et de votre bienveillance.
J'ay l'honneur d'être avec beaucoup de respect
Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire