1764-03-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Caroline Louise von Hessen-Darmstadt, margravine of Baden-Durlach.

Madame,

Vôtre Altesse sérénissime se doute bien que je porte une furieuse envie à celuy qui aura l'honneur de vous rendre cette lettre.
Il jouira de l'avantage de voir une cour dans la quelle tout le monde voudrait vivre et d'être admis auprès d'une princesse dont on voudrait ètre né sujet. C'est madame un citoyen de Geneve, d'une des meilleures familles de cette république. Il se nomme Malet. Il a été longtemps à la cour de Dannemark où il est fort estimé. J'ose dire qu'il est digne d'être présenté à votre altesse sérénissime. Personne n'est plus sensible que luy au mérite supérieur. Enfin madame quoy qu'il ne soit qu'un voiageur, il deviendra votre sujet dès qu'il aura cu le bonheur de vous voir et de vous entendre, c'est le sort de tous ceux qui ont passé à Carlsruhe. Cette noble retraite est devenue grâce à votre altesse se l'azile de la vertu et du bonheur. Que reste t'il à tous ces rois qui ont ébranlé l'Europe par leurs guerres que de revenir chacun dans leur Carls Rue? Vous êtes madame plus sage qu'eux tous, car vous êtes demeurée en paix chez vous; et ils sont forcez enfin de vous imiter.

Je suis avec un profond respect

madame

de vos altesses sérénissimes

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire