[Fernex 4e mars 1764]
Si j'ai été assez heureux, Monsieur, pour tirer ce pauvre Chaumont des galères, je crains bien de ne pas réussir à rendre le même service à ses camarades.
Vous savez qu'en France les circonstances des affaires changent prèsque tous les jours; et ce qu'on pouvait hier on ne le peut demain. En général, rien n'est si difficile que de faire du bien, mais pour le mal il se fait avec une facilité merveilleuse. Je vous avouerai même que je désespère qu'on obtienne pour les Calas la justice entière et les dédommagements qu'on leur doit. Vous verrez vérifier ce discours qu'on tint l'année passée, il y a plus de magistrats que de Calas. On obtiendra la revision, les juges seront ménagés, Calas restera roüé, l'affaire de Sirven sera probablement civilisée, mais il sera ruiné. Le meilleur des mondes possibles est plein de douleurs et de misères; nous avons icy la plus grand dose de neige possible, et celà ne contribue pas à égaïer la nature.
Je vous embrasse, Monsieur, sans cérémonie avec la plus véritable amitié.
V.