[Fernex 16 février 1764]
Je donnai, Monsieur, Lundy dernier, au domestique de Made Cramer la mère, laquelle dinait chez moi, un paquet pour vous être remis.
Il contenait une Lettre que j'avais l'honneur de vous écrire, & une autre que je venais de recevoir de Mr le 1er Présidt du parlemt de Toulouse au sujet de la malheureuse avanture de Sirven. L'extrème bonté que ce magistrat témoigne, et son horreur pour le fanatisme méritaient d'être connues de vous, et je vous demandais en même temps le secrêt, tant sur sa Lettre que sur les démarches qu'il me conseillait de faire. Je vous priais en même temps de m'envoier Sirven pour lui faire signer une requête. Mon paquet dut vous être rendu Lundy vers les six heures du soir. Il faut que ce malheureux ait égaré, ou oublié la Lettre dont il était chargé, mais nous n'avons perdu que quelques jours, et nôtre requête pratira demain pour mr le vice-chancelier. J'ose en espérer une heureuse issue.
Je ne sçais si vous savez que mr le Duc de Choiseuil a délivré des galères le nommé Chaumont, dont tout le crime était d'avoir entendu un sermon au désert. Il a quelques compagnons, dont je ne désespère pas de briser les fers et les rames. L'esprit de Tolérance commence à s'introduire sur les ruines du fanatisme. Bénissons en Dieu.
J'ai l'honneur d'être le plus tendrement du monde Monsieur, vôtre très humble et très obéïssant serviteur
Voltaire