2e Mars 1764 à Ferney
En vous remerciant, Madame, de la bonté que vous avez d'informer des gens de l'autre monde, du bel établissement que vous faittes dans celui cy.
Vous serez toujours ma belle philosophe quand même vous m'auriez oublié. Je me mets aux pieds de Madame vôtre fille, à condition qu'elle sera philosophe aussi.
Savez vous bien que je suis quelquefois en commerce de Lettres avec monsr vôtre fils? Mais je lui demande pardon de n'avoir pas répondu à sa dernière Lettre; j'étais extrèmement malade. Je ne sors prèsque plus du coin de mon feu, tout s'affaiblit chez moi, hors mon respectueux attachement pour vous. La tranquilité dont je jouïs est la seule chose qui me fasse vivre. Je crois, Madame, que vous avez mieux que de la tranquilité; vous devez jouïr de tout le bonheur que vous méritez; vous faittes celui de vos amis, il faut bien qu'il vous en revienne quelque chose. Si avec cela vous avez de la santé, il ne vous manque rien. Pardonnez moi, s'il vous plait, de ne vous pas écrire de ma main; je deviens un peu aveugle, mais on dit que quand il n'y aura plus de neige sur nos montagnes, j'aurai la vue du monde la plus nette. Je ne veux pas vous excéder par une longue Lettre; vous êtes peut être occupée actuellement à coëffer la mariée. Je présente mes très humbles respects à la mère et à la fille.
V.