6e 8bre 1777, à Ferney
Monsieur vôtre frère m'est témoin, Madame, que je suis toujours amoureux de vous passionément, et que je serais venu avec lui à Paris jouïr de vos faveurs si ma brillante jeunesse n'était affligée de deux ulcères qui me rongent les pieds, de deux fluxions qui me rendent aveugle, et de cinq ou six autres petites maladies qui dérangent un peu les bonnes fortunes.
Je me borne donc à vous dire que mon cœur est à vous sans qu'on vous le présente à la sauce Vergy. Je me joins à vous très sincèrement dans l'attachement respectueux que j'ai pour le génie et pour le caractère de Mr De Condorcet. C'est Caton qui est un peu ennemi de César.
Vous faittes très bien d'être fidèle à l'un et à l'autre. Ce rôle est difficile à soutenir, mais il n'en est que plus beau. Je vous écris une lettre bien courte pour un amant. Pardonnez, s'il vous plait, à mes misères, et aiez la bonté de dire à vôtre mari mon confrère que je me console guères d'être si loin de vous et de lui.