5e 9bre 1776, à Ferney
C'est, Monsieur, une grande consolation pour moi d'aprendre que vous êtes heureux.
Il y a longtems que je savais combien vous méritez de l'être. Nonseulement vous savez goûter vôtre bonheur, mais vous le chantez. Vous faittes vôtre épitalame vous même. J'aplaudis à vôtre félicité du sein de ma misère. Les secousses des changements arrivés dans le ministère de France ont un peu bouleversé ma Colonie naissante, et le triste état de ma santé à l'âge de quatre vingt trois ans ne me permet pas de venir demander grâce à Versailles. Je n'ai pas la force de sortir de la retraitte où je suis depuis si longtems. Heureusement cette retraite n'est pas loin de celle que vous avez formée et embellie prês de Lausanne. Je serai peutêtre à portée de jouïr pendant quelques moments du charme de vôtre amitié à Fantaisie. Ce n'est probablement qu'une fantaisie très vaine de m'en flatter, mais c'est une chose très réelle que mon tendre attachement pour vous. Conservez moi un peu de souvenir. Madame Denis vous demande la même grâce. Elle a été prèsque aussi malade que moi pendant une année entière. Nôtre séjour a été aussi triste que nous l'avions vu animé.
Permettez moi de présenter mes respects à Madame vôtre femme.
V: t: h: o. sr.
Le vieux malade de Ferney V.