[c. 15 March 1750]
Enfin Darnaud loin de Manon
S'en va dans sa tendre jeunesse
A Berlin chercher la sagesse
Près de Federic Apollon.
Ah j'aurois bien plus de raison
D'en faire autant dans ma Vieillesse.
Il va donc goûter le bonheur
De voir ce brillant phénomène,
Ce conquérant législateur
Qui sut chasser de son domaine
Toutte sottise et toute erreur,
Tout dévot et tout procureur,
Tout fléau de l'engeance humaine.
Il verra couler dans Berlin
Les belles eaux de l'Hippocrene,
Non pas comme dans ce jardinOù l'art avec effort amène
Les naiades de saint Germain
Et le fleuve entier de la Seine
Tout étonné d'un tel chemin;
Mais par un art bien plus divin,
Par le pouvoir de ce génie
Qui sans effort tient sous sa main
Toutte la nature embellie.
Mon Darnaud est donc appellé
Dans ce séjour que l'on renomme!
Et tandis qu'un troupeau zélé
De pélerins au front pelé
Court à pié dans les murs de Rome
Pour voir un triste jubilé,
L'heureux Darnaud voit un grand homme.
Grand homme que vous êtes! que votre dernier songe est joli! Vous dormez comme Horace veilloit. Vous êtes un être unique.
J'enverray à votre majesté par la première poste des fatras d'Oreste. Je mettray ces misères à vos pieds. Une seule de vos lettres qui ne vous coûtent rien, vaut mieux que nos grands ouvrages qui nous coûtent baucoup. Je suis plus que jamais aux pieds de votre majesté.
V.