à Lunéville [? 27 June 1748]
Je vous fais mon compliment, mon cher ami, sur votre emploi, et sur l'épître à Manon.
Je souhaite que l'un fasse votre fortune, comme je suis sûr que l'autre doit vous faire de la réputation. Il y a des vers charmants, et en grand nombre; mais vous êtes trop aimable pour n'être pas toujours un franc paresseux.
Je vais partir avec un joli viatique; vos vers égayeront mon imagination: je suis vieux et malade, je n'ai plus d'autre plaisir que de m'intéresser à ceux de mes amis. Les Manon sont bien heureuses d'avoir des amants et des poètes comme vous. Je ne vous envie point Manon, mais je vous envie les princes de Virtemberg. Je pars sans avoir pu leur faire ma cour: peut-être, à leur retour, ils passeront chez le roi de Pologne en Lorraine. Il me semble que c'est leur chemin; en ce cas, je réparerais la sottise que j'ai eue d'être malade, au lieu de leur rendre mes respects. Je vous prie de me mettre à leurs pieds.
Si m. de Montaulieu est celui que j'ay vu à Berlin et à Bareith, je pars désespéré de ne l'avoir point revu.
Adieu, mon cher d'Arnaud; entre les princes et les Manon, n'oubliez pas Voltaire. Adieu.