1749-01-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Thomas Marie de Baculard d'Arnaud.

La malédiction mon cher enfant est sur nos paquets.
Je me flatte qu'enfin on a retrouvé à Paris dans la bibliothèque du suisse de la maison, les papiers de mylord Chesterfield. Mais pour celuy du roy de Prusse, il luy est arrivé malheur. Vous l'avez porté chez moy. On a eu la bonté de le fourer dans une boete qu'on envoyoit à madame du Chastelet, par le courier de Lorraine et de Strasbourg. Ce grand courier qui court à dix lieues de Cirey, et qui se soucie peu de cette boete, non chargée à la poste, a passé son chemin sans songer à nous, et point de nouvelles de la boete. Il y a huit jours que je devrois avoir reçu la lettre du Salomon et de l'Alexandre du nord; je vous prie de luy mander mon désastre, afin qu'il n'accuse pas mon silence. Il n'a déjà que trop de raison de me condamner, je l'ay négligé autant que vous me négligez. Je suis aussi paresseux avec les rois que je vous ay reproché de l'être avec vos amis. Faites je vous en prie les plus tendres compliments de ma part à mon cher Isac. Je l'aime encor plus depuis qu'il vous a servi. Mettez moy aux pieds de MM. les princes de Virtemberg.

Avez vous vu Catilina? On m'en écrit baucoup de mal, mais je ne croiray que ce que vous m'en direz. Il y a dix ou douze personnes à Paris tout au plus qui se connaissent bien en vers; et vous êtes assurément du nombre. Vale.

V.