à Cirey par Vassy ce 25 [December 1748]
Je ne suis pas étonné de la chutte de Catilina.
L'autheur n'avoit pas consulté mes anges. Ce n'est pas avec une caballe, c'est avec des amis éclairez et sévères qu'on fait réussir un ouvrage. Ce que vous me dites mon cher et respectable amy me persuade que Catilina ne durera pas longtemps. La caballe veut bien crier, mais elle ne veut pas s'ennuyer, et il n'y a personne qui aille bâiller deux heures pour avoir le plaisir de me rabaisser. Semiramis est entièrement à vos ordres, elle ne se remontrera que quand vous l'ordonnerez. Je me conduis je crois un peu moins insolemment que Crebillon. Il méritoit un peu sa chutte par tous les petites indignes procédez qu'il a eus avec moy, par la sottise qu'il a eue de mettre son nom au bas des brochures de la canaille qui le louoit à mes dépens, par l'approbation qu'il a donnée à la parodie, par la mauvaise grâce avec la quelle il vouloit retrancher de mon ouvrage des vers que vous aprouveriez. On ne peut pas abuser davantage de la misérable place qu'il a de censeur de la police. Sa conduitte est cent fois plus mauvaise que celle de sa pièce, mais je ne dis cela qu'à mes anges. Je suis bien fâché de l'état languissant où est encor madame d'Argental. Je compte luy écrire quand je vous écris. Je ne vous sépareray jamais. Le digne coadjuteur devroit bien m'envoyer ses remarques sur Catilina. Un plan écrit de sa main avec cette éloquence que je luy connois amuseroit bien madame du Chastelet dans sa solitude. Nous ne revenons qu'après les rois, nous aurons le temps de recevoir de vos nouvelles. Mr de Bet ne marie t'il pas incessamment sa seconde fille au fils du bon dieu? Bon soir mes chers anges, je soupire après le moment de vous revoir.
V.