[January 1749]
Mon cher cœur je viens de lire ce Catilina que vous avez la bonté de m'envoyer.
Je ne reviens point de ma surprise, est il possible, je ne dis pas qu'on ait joué plusieurs fois un pareil ouvrage, mais qu'on ait pu en soutenir la première représentation? Non seulement la conduitte est le comble du ridicule d'un bout à l'autre, non seulement le dialogue est un propos interrompu plein de déclamations puériles, de sottises empoulées, de pensées fausses, d'extravagances sans intérest, de contradictions grossières, d'impertinences de toutte espèce, dont il n'y a point d'exemples; mais il n'y a pas dix vers qui soient français. Le stile paroît être du temps de Henri trois. Il semble que ce soit une gageure, une parodie? Quoy! on a osé protéger cet impertinent ouvrage? il y a eu une cabale en sa faveur? C'est la honte de la nation. Il n'est que trop clair que l'envie de m'humilier est le seul principe qui a formé cette faction qui déshonore l'esprit humain. Je vous avoue que je suis indigné, mais je méprise encor plus Paris que Catilina ne paraît mépriser le sénat; ma chère enfant il faut ne travailler que pour soy et pour ses amis, et non pour la canaille grande et petite. Je veux pardonner à ce pauvre Crebillon d'être un fou qui ne connoît ny le téâtre ny sa langue, mais comment pardonner à la faction des sots qui ont eu l'insolence et la bêtise de prôner, de mettre au dessus de Cinna, une pièce qui n'est pas digne de la foire?
N'en parlons plus; je suis trop en colère. Jo rivolvo tutti mi pensieri a voi mia cara. La vostra remembranza, il desio, la speranza di rivedervi, mitigano nell'animo mio, cio che questo Catilina vi haveva infuso d'acerbo e di malinconico. Vi parlate del vostro nuovo allogiamento. O se io potessi tenervi, nella questa dimora! se jo potessi! … Sono sempre ammalato, ma jo rinasco, jo vivo quando la mia fantasia mi rappresenta la mia musa, che scrive, che suona del cimbalo.