aux Délices 6 octb [1756]
Je ne vous écris pas si souvent monseigneur, que quand vous preniez Minorque.
J'imagine toujours qu'on a encor plus d'affaires à la cour qu'à l'armée. Les riens prennent quelque fois plus de temps que des assauts, et d'ailleurs il ne faut pas vexer d'ennuy les héros qu'on aime. Un anglais me mande qu'on veut dresser dans Londres une statue à Blakney. J'ay répondu qu'apparemment on mettrait cette statue dans votre temple.
Vous avez vu sans doute le dernier manifeste du Salomon du nord. Ce Salomon est prolixe. Mais on peut se donner carrière à la tête de cent mille hommes. La reine de Saba ne répond point, mais elle agit. Je voudrais que vous commandassiez une armée dans ces circonstances, et que Salomon apprit par vous, à connaître une nation qu'il ne connait point du tout.
Voicy les nouvelles que je reçus hier. Si elles sont vrayes, mon Salomon sera un peu embarassé.
Il m'a proposé il y a quatre mois de le venir voir, il m'a offert biens et dignitez. Je sçais qu'elles sont transitoires, je les ay refusées. Le roy ne s'en soucie guères mais je voudrais qu'il pût en être informé. Le suisse V. et la suissesse Denis sont toujours pénétrez pour vous d'amour et de respect.
V.