1756-05-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Louis Allamand.

Vous n'avez été que malade monsieur, et moy j'ay été malade et paresseux.
Je vous demande pardon de ma négligence. Il est vray que j'ay toujours compté aller à Berne et vous voir dans mes tournées, malgré mon peu de goust pour les montagnes et pour les cavernes. Je n'ay pu encor mettre à fin cette grande aventure, mais j'espère enfin me mettre en route dans quelques jours. Je quitterai mes fleurs et les arbres que j'ay plantéz, et ce n'est pas un petit effort pour un homme qui n'a plus que de ces passions là. Nous attendons tous les jours icy des nouvelles de la prise entière de Minorque. Je ne perds pas à la vérité le sommeil dans l'inquiétude de savoir à qui une des isles Baléares apartiendra mais je m'intéresse à la gloire personnelle de M. le maréchal de Richelieu. Je crois que vous vous souciez peu à Bey de ce qui se passe dans la Méditerranée. Ratrappez votre santé, fuiez l'ennuy et conservez moy les sentiments obligeants que vous avez bien voulu me témoigner.

V.