1763-12-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Je présente encor à mes anges, un éxemplaire de la Tolérance, et je les suplie de le prêter à mon frère d'Amilaville.
J'en ai fort peu d'éxemplaires, et Paris n'en aura de longtemps. Je me flatte que Mr le Duc De Praslin et mes anges protègeront cet ouvrage.

Monsieur le Duc De Choiseuil me mande qu'il en est enchanté, ainsi que made De Grammont, et Made De Pompadour. Peut être qu'un jour ce livre produira le bien, dont il n'aura d'abord fait voir que le germe. L'approbation de mes anges, et de leurs amis, sera d'un grand poids. Je ne sçais si je leur ai mandé que je connais des milionaires qui sont prêts à revenir avec leur argent, leur industrie et leurs familles, pour peu que le gouvernement voulût avoir pour eux la même indulgence seulement, que les catholiques obtiennent en Angleterre. Mais en France on entend toujours raison bien tard.

J'avais déjà écrit à Marmontel, avant que made Denis eût reçu la Lettre du 25e 9bre et voicy ce qui m'est arrivé.

Marmontel m'ayant mandé que mr Thomas s'était désisté en sa faveur, je ne doutai pas qu'il n'eût l'obligation de ce désistement aux bontés de Monsieur le Duc De Praslin, et aux vôtres. Il m'avait juré, les larmes aux yeux, dans son voiage aux Délices, qu'il n'avait aucune part aux traits insolents répandus dans cette misérable parodie. Je vous écrivis pour lors. S'il avait depuis manqué le moins du monde ou à vous, ou à Mr Le Duc De Praslin, il serait trop coupable, et trop indigne de la place qu'il a obtenue. Je ne lui ai écrit qu'une Lettre de félicitation, fort simple, dans laquelle je lui paraissais persuadé de sa reconnaissance pour ses bienfaicteurs.

Vous devez avoir reçu, mes divins anges, des corrections que je crois nécessaires aux roués. Je ne sçais si elles leur paraissent si importantes qu'à moi.

Respect et tendresse.

V.