1763-05-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à François de Chennevières.

Les gens ayant à peu près septante ans, malingres et presque aveugles n'écrivent pas comme ils voudraient mon cher ami et puis dieu sait ce que deviennent les lettres.
Il y en a qui ne parviennent point. M. de Varenne, secrétaire de M. le contrôleur général, m'écrivit il y a quelque temps, et se plaignit ensuitte de n'avoir point reçu de réponse. Je luy avais cependant adressé un gros paquet avec superscription, ou inscription ou dessus de lettre, car dieu mercy le mot propre manque à notre langue, à mr de Varenne secrétaire de M. le contrôleur général, à Paris. J'en ay écrit une autre qui je crois n'a pas eu un plus heureux sort. Vous devez mon cher ami connaitre M. de Varenne car il a de l'esprit et il fait de jolis vers. Je vous prie d'éclaircir avec luy cette avanture. Vous me ferez grand plaisir de me la mettre au net. Je serais bien fâché qu'un homme aussi aimable que M. de Varenne me soupçonnât de ne luy avoir pas répondu.

Il me paraît que le parlement fait attendre bien longtemps sa réponse à M. le contrôleur général. Si les arrangements de finance qu'on m'a mandez sont tels qu'on le dit, il est bien sûr qu'ils sont aussi raisonables que nécessaires; et je ne conçois pas comment le parlement peut s'y opposer. Il ne veut pas sans doute empêcher que le roy paye ses dettes. Les Anglais vainqueurs payent les leurs.

Bon soir. Madame Denis se remet un peu d'une longue maladie. Nous vous embrassons vous et la sœur du pot.